Depuis le rattachement du Comté de Nice en 1860, les contentieux frontaliers n’ont jamais cessé, alimentant de manière récurrente la chronique locale et parfois les tensions entre la France et l’Italie. Après la Seconde guerre mondiale, l’heure est à la célébration de l’amitié franco-italienne, même si celle-ci n’est pas exempte dans les années 1960 de malentendus dans la conception et les orientations des grands ensembles multilatéraux qui structurent la vie internationale. Les questions qui concernent uniquement les rapports entre Paris et Rome ne sont pas considérées comme de même niveau que celles qui engagent l’avenir de l’Europe ou de l’Alliance atlantique. Elles ne relèvent toutefois pas seulement du domaine des questions techniques. Les interactions politiques y sont fréquentes. D’une part, leur traitement n’échappe pas toujours aux remous provoqués par l’évolution des grandes affaires internationales, en dépit des digues que tente d’établir la diplomatie française. Ces questions, aussi diverses soient-elles, ont néanmoins en commun de toucher aux relations de voisinage. Voies de communication, délimitation de frontière et droit de passage ou d’implantation constituent des résidus du contentieux franco-italien issu du traité de paix de février 1947.
Celui-ci est, en effet, largement apuré à la fin des années cinquante, mais certaines questions restent en suspens et leur règlement définitif apparaît d’autant plus nécessaire et urgent qu’il permet non seulement de clore un chapitre douloureux de l’histoire des relations entre les deux pays, mais aussi d’engager les populations, de part et d’autres de la frontière, vers des rapports de confiance, favorisant les échanges transnationaux.
Du côté de la Brigue, la partition en trois communes en 1947 (La Brigue côté français, Briga Alta et Realdo Triora) a pour conséquence de bouleverser l’économie pastorale locale fondée sur la transhumance et de troubler les droits d’accès et de propriété des alpages et des bois. A cause la nouvelle frontière, la commune de La Brigue manque de pâturages d’été
suffisant et, inversement, les deux communes italiennes ont des alpages de printemps et d’automne trop limités. L’arbritage international rendu en 1952-1953 aboutit à un compromis: les troupeaux italiens obtiennent un droit de pacage de printemps et d’automne situé sur la commune de Tende et pour ceux de Realdo Triora sur la commune de la Brigue. En retour la commune française reçoit 850 des 1500 parts des droits communaux de l’ancienne La Briga.
En outre, tous les autres bois sont placés en zone indivise (La Brigue reçoit 50% des recettes des coupes). L’équilibre apparent de cet accord ne doit pas masquer l’insatisfaction et parfois la rancœur des populations locales obligées de rompre avec des traditions séculaires. Le règlement de la question complexe du droit d’utilisation des sols ne relève donc pas seulement d’une approche juridique dans une logique étatique.
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